Maroc – Algérie : Quatre questions à l’ancien congressman américain Michael Flanagan

Propos recueillis par Omar Achy à Washington le 29 octobre 20202

L’ancien congressman républicain américain Michael Flanagan évoque, dans un entretien à la MAP, la responsabilité de l’Algérie dans le calvaire des populations séquestrées à Tindouf et pour avancer vers une issue politique au conflit régional autour du Sahara marocain, de même qu’il aborde les relations bilatérales entre Washington et Rabat ainsi que le rôle de leadership de SM le Roi Mohammed VI pour la promotion de la paix et le développement au niveau régional et sur le continent africain.

1- Le Département d’?tat américain insiste sans cesse sur le rôle des groupes terroristes transnationaux dans la crise sécuritaire dans le Sahel. Ces troubles rappellent le besoin urgent de résoudre le différend de longue date sur le Sahara. Le Conseil de sécurité de l’ONU fait, de son côté, constamment appel au réalisme et à l’esprit de compromis, qualités qu’incarne la proposition marocaine d’autonomie pour le Sahara. Comment voyez-vous la voie à suivre à la veille d’une nouvelle résolution onusienne?

Je pense qu’avec l’aide des ?tats-Unis et de l’Union Européenne, le Maroc sera le chef de file dans ce domaine. L’opinion que cela doit être une décision de la région ne sera probablement pas couronnée de succès, tant que l’Algérie réussit à contrecarrer le consensus régional.

Je pense donc que le Maroc devra prendre les devants. Il fait déjà un si bon travail, avec des gens qui pourraient être emprisonnés dans ces camps pour autant que nous en sachions, car l’ONU ne dispose pas d’un véritable droit de regard sur ce qui se passe là-bas ni la possibilité d’observer le polisario là où il se trouve.

Alors que le Maroc continue d’avancer et de développer le Sahara, consacrant d’importants investissements, d’efforts et d’énergie, je pense qu’il sera en mesure de prouver à l’opinion internationale, encore davantage qu’il ne le fait actuellement, qu’il est un leader dans ce domaine et qu’il peut assurer le bien être des populations grâce au plan d’autonomie.

2- Sur le dossier du Sahara, le Maroc adopte une approche positive et constructive pour garantir le bon déroulement du processus politique. Cependant, de nombreux experts estiment que de tels efforts ne donneront des résultats positifs que si l’Algérie accepte de jouer un rôle tout aussi positif et constructif. Qu’en pensez-vous ?

Je pense qu’il y a une vérité là-dedans. La paix peut être obtenue, en particulier pour ces pauvres âmes qui vivent dans des camps dans le désert au sud de l’Algérie. Ils peuvent être rapatriés au Sahara, au sud du Maroc, avec l’aide de l’Algérie, mais vraiment uniquement avec l’aide de l’Algérie, ou du moins, avec son aval.

?a va nécessiter une inspection des camps, mais aussi de faire comprendre au polisario qu’il ne peut pas être un gouvernement séparé en lui-même. Au mieux c’est un gardien pour des populations retenues dans les camps et au pire c’est une marionnette aux mains de l’ancien régime algérien. Avec le régime algérien actuel, nous ne savons pas encore.

Si le gouvernement algérien peut ouvrir la voie pour aider l’ONU et faire plus de progrès pour la paix avec le Maroc, je pense que le sort de ces personnes sera radieux et bon si elles retournent au Sahara, dans une région autonome sous leadership marocain.

Par contre, si l’Algérie ne coopère pas, le sort de ces gens restera toujours le même, ils finiront par retourner au Sahara, peut-être des années après, et leurs souffrances continueront pendant toute cette période. Il est donc important que l’Algérie coopère et soit perçue comme étant en train de coopérer, et comprenne que cette coopération n’est pas une atteinte à sa fierté nationale mais plutôt quelque chose dont elle peut être fière.

3-Le secrétaire général de l’ONU et le Conseil de sécurité ont appelé, à plusieurs reprises, le polisario à ne pas entraver le trafic civil et commercial régulier dans la zone tampon de Guerguerat . Comment expliquez-vous de telles provocations ?

Il est malheureux que le polisario ait bénéficié d’une autorité sans entrave pendant cette période. Le pouvoir est sa propre récompense, le pouvoir est une ivresse, le pouvoir devient une dépendance. Si le polisario avait été mis sous contrôle pendant cette période, par des visites régulières de l’ONU, par le contrôle des Algériens, le polisario ne se considérerait pas comme un gouvernement séparé, mais simplement un organe qui fournit une certaine structure aux personnes dans les camps.

Mais malheureusement, au cours de cette période, ils se considèrent presque comme une nation distincte ou comme les dirigeants d’une nation distincte. Mais ils ne le sont pas et ils ne doivent pas être autorisés à agir de la sorte.

Je pense que les populations dans ces camps seraient très heureuses de venir vivre au Sahara, dans la région marocaine et quitter les camps. Mais le polisario les empêche à bien des égards de le faire, soit par la propagation de la désinformation dans les camps, soit pire, en contraignant les populations à y rester.

L’Algérie va devoir faire face à cette situation, car elle l’a largement créée, et il sera difficile pour l’ONU de surmonter cette situation avec le temps. Je pense qu’il y a une solution et je pense que le polisario peut être rappelé à l’ordre

4-Lors d’une récente visite à Rabat du secrétaire à la Défense Mark Esper, les Etats-Unis et le Maroc ont signé une feuille de route de coopération en matière de défense jusqu’en 2030. Ils ont renouvelé leur alliance comme “pierre angulaire de la paix en Afrique”. Comment évaluez-vous les relations américano-marocaines et leurs perspectives d’avenir?

Le Maroc a fait tout son possible au cours des dix dernières années environ, pour renforcer ses liens avec le reste de l’Afrique et essayer de devenir un leader régional. Et même s’il ne devient pas un leader régional, il recherche un consensus régional. Le Maroc cherche, non pas une quelconque hégémonie, mais entend entretenir des relations amicales avec ses amis et même pour l’Algérie aussi, car il a tendu la mains à l’Algérie à maintes reprises.

C’est particulièrement important, et les ?tats-Unis privilégient les partenaires qui veulent travailler de cette manière, qui ont besoin d’alliés, qui travaillent avec des alliés, qui ont besoin d’amis et qui travaillent avec des amis, et qui veulent plutôt être des piliers de la stabilité régionale plutôt que des points de friction autonomes.

C’est pourquoi nous nous sommes rapprochés du Maroc, et nous continuerons d’encourager cette amitié et de traiter très chaleureusement le peuple marocain et le gouvernement marocain. SM le Roi Mohammed VI fait preuve d’un grand leadership et travaille inlassablement pour résoudre les problèmes internes et œuvrer pour une solution au Sahara, en tendant la main aux Algériens et en favorisant un consensus africain.

Nous continuerons à approfondir et renforcer notre amitié. (…) Nous considérons le Maroc comme un chef de file régional, non comme notre allié qui va se soumettre à notre demande, mais comme un leader à part entière faisant son propre travail et prenant soin de ses propres problèmes et ayant besoin du soutien de ses amis pour y parvenir. Telle est la position de l’administration Trump.

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