A l’occasion d’une visite du roi du Maroc Mohammed VI fin mai, le Maroc a conclu avec la Tunisie toute une série d’accords de coopération, relatifs aux secteurs public et privé, afin de renforcer les liens bilatéraux et encourager une plus grande intégration régionale.
Lors de son voyage de trois jours, le Roi du Maroc a essayé, aux côtés du Président provisoire tunisien Moncef Marzouki, de donner une nouvelle impulsion à l’Union du Maghreb Arabe, ou UMA, organisation régionale dont font également partie l’Algérie, la Mauritanie et la Libye. Dans un discours prononcé le 31 mai devant l’Assemblée Nationale Constituante Tunisienne, il a appelé les pays membres de l’UMA à « surmonter les obstacles et les écueils artificiels qui entravent le lancement effectif de notre union. » Il a plus particulièrement insisté sur le besoin de parachever la mise en place d’une zone de libre-échange au Maghreb et d’améliorer les infrastructures régionales afin de faciliter les échanges et de créer davantage d’opportunités économiques.
Fondée en 1989 à des fins de simplification de la coopération économique et de renforcement des liens politiques entre ses membres, l’UMA n’a pas tenu de sommet annuel depuis 1994, en raison notamment de désaccords sur la question du Sahara Occidental. Toutefois, les perspectives de croissance intrarégionale sont considérables vu le potentiel économique de ses états membres, qui repose sur des sous-sols riches, renfermant de vastes réserves minérales, pétrolières et gazières, et des conditions démographiques propices, ainsi que sur un secteur manufacturier et une industrie de services de bonne taille.
Opportunités économiques
Une intégration plus étroite offrirait des avantages non négligeables, étant donné le poids des économies de la région. Les pays du Maghreb, forts d’une population totale d’environ 90 millions de personnes, pour une large part – plus de la moitié au Maroc et en Algérie, par exemple -âgées de moins de 30 ans, disposent d’un vivier important d’employés potentiels pour les industries à forte main d’œuvre.
La région jouit également d’une consommation qui évolue à la hausse, tirée par des taux de croissance qui ont oscillé ces dernières années entre 2,6% et 5,7% pour l’Algérie et le Maroc, les deux plus grandes économies. Cela a entrainé une hausse de la demande d’énergie, entre autres. La région peut se prévaloir de sources énergétiques variées, parmi lesquelles on peut citer des taux élevés d’ensoleillement parfaits pour la production d’énergie solaire et de très importantes réserves de pétrole et de gaz.
Une forte marge de progression
Ceci étant, dans l’ensemble, le commerce intra-maghrébin est encore loin de donner la pleine mesure de ses capacités. Une étude de la Banque Mondiale datée de 2006 parvenait à la conclusion suivante : la faible intégration régionale au Maghreb avait pour conséquence une perte de recettes commerciales potentielles de l’ordre de 2 à 3% du PIB régional chaque année. Le volume des biens exportés au sein du Maghreb, tous pays confondus, a progressé rapidement, passant de 1,5 milliard de dollars en 2001 à 7,6 milliards de dollars en 2011, mais leur proportion reste infime comparée au volume total d’exportations de la région, qui s’élève à 170,6 milliards de dollars. Les volumes des échanges intrarégionaux représentaient 3% du commerce annuel des pays du Maghreb en 2008, alors que dans l’EU, ceux-ci représentaient 63,3% des échanges commerciaux, et dans l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est, 24,6%. La région se fait également distancer par d’autres pays africains dans ce domaine, et d’autres organisations régionales, telle que la Communauté d’Afrique de l’Est, affichent des volumes d’échanges intrarégionaux à hauteur de 13% de leur commerce total.
Il existe un certain nombre de barrières autres que politiques entre les états maghrébins, notamment des réseaux de transport insuffisants, des coûts de transport élevés et l’absence d’une chaîne de valeur intégrée, mais le manque de consensus politique a constitué un obstacle majeur. La frontière entre le Maroc et l’Algérie est par exemple toujours fermée, et l’instabilité en Libye fait du renforcement de la sécurité aux frontières un souci encore très actuel.
On a cependant assisté ces dernières années à une multiplication des efforts déployés pour renforcer le commerce régional, surtout depuis le début de la crise de la zone euro. De nouveaux corridors d’infrastructures, comme l’Autoroute Transmaghrébine – qui, à terme, couvrira 7000 km et reliera Nouakchott à Rabat au nord, puis s’étirera à l’est jusqu’à Tripoli – semblent sur la bonne voie pour faciliter le transport transfrontalier, et plusieurs importants tronçons de l’autoroute sont déjà terminés.
Lors d’une série de réunions ministérielles régionales qui se sont déroulées au cours des trois dernières années, avec le soutien de la Banque Mondiale, des propositions ont été exposées qui permettraient une plus grande intégration économique, fiscale et commerciale. En 2010, les ministres des pays membres de l’UMA ont signé un accord portant sur la mise en place d’une zone de libre-échange pour les produits agricoles qui contribuera à garantir la sécurité alimentaire dans la région, et une liste préliminaire de produits a été établie en mai 2012. On a également assisté ces dernières années à la signature de nombreux accords de coopération bilatérale entre des états membres, dont 23 accords dans les secteurs de l’éducation, de l’énergie et du tourisme, signés entre le Maroc et la Tunisie lors de la récente visite du Roi, sa première visite officielle en Tunisie depuis que le Printemps Arabe y avait débuté en 2011.
Il reste certes encore beaucoup à faire pour profiter pleinement des avantages offerts par l’intégration, et, en attendant que certaines questions épineuses ne soient résolues, des progrès substantiels semblent peu probables, mais le nouvel élan donné par le Maroc et la Tunisie illustre bien le potentiel sur le long terme d’une collaboration plus étroite.
Source : http://www.oxfordbusinessgroup.com