Rabat, le 1ier avril 2020 , par Boutaina Rafik (MAP) – Le Maroc vit une expérience inédite dans sa lutte contre le nouveau Coronavirus. Bien que l’issue semble toujours lointaine, l’impact psychosocial de la pandémie est palpable et continuera à l’être même après un retour à la normale.
Depuis le 20 mars, les rues du Royaume sont désertées, les cafés, les restaurants, les cinémas, les hammams et les mosquées sont fermés. Confinés chez eux aux côtés de leurs familles, les Marocains nourrissent l’espoir de pouvoir investir les ces rues, se retrouver, comme avant, et reprendre leur quotidien.
“Au bout de 10 jours de confinement, je me suis certes protégé du Covid-19 mais je me suis aperçu que l’ennui m’a totalement envahi, malgré mon addiction aiguë à la lecture”, lit-on sur le mur Facebook de Mounir.
“C’est très difficile de se retrouver cloitrer dans un appartement qui devient subitement classe d’école, aire de jeux, espace de télétravail, ajoute ce père de famille Casablancais, soulignant la nécessité de s’armer d’une habileté “diabolique” pour rythmer cette nouvelle vie.
En attendant le salut, de nouvelles habitudes s’installent. Entre se laver les mains une dizaine de fois par jour, arrêter de faire la bise et de serrer les mains à ses proches et amis, adopter le télétravail et surtout avoir trop de temps libre, beaucoup de personnes reconsidèrent leur mode de vie.
Après le trauma, le confinement, il y aura certainement un “retour à la vie”, qui sera ponctué par de nouvelles règles, de nouvelles habitudes et manières de vivre ensemble.
Pour le psychologue Reda M’haseni, il faudrait beaucoup de temps pour abaisser le niveau de vigilance sanitaire à son niveau initial.
Cette épidémie n’a pas que des inconvénients, explique-t-il à la MAP, faisant savoir que cette situation inédite que vit le Royaume a permis “un certain regain de confiance dans les structures de l’?tat, notamment l’hôpital et l’administration publics et les médias”.
“Quant aux comportements, on n’a pas le recul nécessaire pour évaluer l’impact du confinement sur les Marocains”, pointe M. M’haseni, indiquant que quand l’épidémie sera terminée, les Marocains constateront qu’ils ont dépoussiéré d’anciennes valeurs qui serviront à mettre au point une nouvelle manière de vivre ensemble.
C’est dans ce sens, poursuit-il, que “ce confinement permet de s’interroger sur notre lien avec le travail, la famille et les enfants. C’est en quelque sorte un retour vers l’essentiel et une nouvelle expérience qui permettrait “d’accepter l’Autre”.
“Cette promiscuité aura un impact psychosocial et comportemental. Les couples subiront une forme d’agression invisible et apprendront à gérer des tensions, qui auparavant, étaient latentes”, continue-t-il d’expliquer.
“Dans ce confinement, nous sommes passés par trois phases, l’euphorie, l’acceptation du fait accompli et la réalité. Lors de ces phases, de nouvelles activités ont pris de l’importance, notamment la cuisine, la lecture, etc. Le temps nous incite à nous interroger sur la manière dont nous avions à le remplir et à sa durée limitée”, ajoute M. M’haseni.
Comment sera le Maroc dans la phase 4 ? Difficile de brosser un tableau précis. Une chose est sure, beaucoup de changements seront opérés. Les liens seront renforcés et le niveau de vigilance sanitaire sera plus élevé.
Revenant sur le mur Facebook de Mounir, il a également écrit que parmi les rares conséquences positives de ce confinement, c’est qu’il lui a permis de se réconcilier avec “notre cuisine”.
“Ce sujet est devenu synonyme de convivialité, de conversations délicieuses et d’échange, entre hommes, avec mon gosse de 5 ans, aux côtés des fourneaux. Quel bonheur !” conclut ce papa, dans l’euphorie.
Le nouveau Coronavirus, tout comme la crise financière et les guerres mondiales, a permis aux individus d’interroger leur mode de vie, de décider de ce qui compte, de ce qui est important et de ce qui est insignifiant, de ce qui dure et de ce qui est éphémère. Des leçons précieuses qui ont coûté la vie à des milliers de personnes un peu partout à travers le monde.