Propos recueillis par Naoufal Enhari (Source : MAP, le 17/11/2020)
Le Maroc ne pouvait permettre au “polisario” d’imposer le fait accompli dans la zone tampon de Guerguerat, qui constitue une région vitale pour le flux des personnes et du commerce entre le Royaume, la Mauritanie et au-delà vers les Etats de l’Afrique de l’ouest, a affirmé Samir Bennis, analyste politique basé aux Etats-Unis.
Dans une interview à la MAP, M. Bennis estime que le Maroc a été contraint d’agir pour mettre fin aux actes déstabilisateurs des milices armées et à la menace qu’elles font peser sur la paix dans la région.
Selon lui, le choix de l’escalade à El Guerguerat, qui intervient
alors que le monde entier est confronté à la pandémie du COVID-19,
trahit bien la frustration et la colère du “polisario” et de l’Algérie
face aux succès diplomatiques successifs du Royaume au cours des
dernières années.
– Face aux provocations du “polisario” dans la zone tampon de
Guergarate, le Maroc a décidé d’agir pour rétablir et sécuriser la libre
circulation des marchandises et des personnes. Quelle analyse
faites-vous de cette action du Maroc, surtout que l’ONU et le Conseil de
sécurité ont, à maintes fois, appelé le mouvement séparatiste à
s’abstenir de tels agissements ?
La décision du Maroc d’agir pour rétablir la circulation des marchandises et des personnes était prévisible surtout que le “le polisario” a fait la sourde oreille aux appels des Nations-Unies. Le Maroc ne pouvait permettre au “polisario” d’imposer le fait accompli sur cette région vitale pour le commerce international. Durant les quatre dernières semaines, le Maroc a fait montre de beaucoup de sagesse et de retenue conformément à sa vocation pacifiste et à ses engagements dans le cadre du processus engagé sous l’égide des Nations-Unies.
Le Maroc a installé un cordon de sécurité autour de Guerguerat, sans incident. Le Royaume qui n’a pas d’intention belliqueuse, a clairement indiqué qu’il n’utiliserait la force qu’en cas de légitime défense.
Pendant longtemps, le Maroc a appelé le Conseil de sécurité et le
Secrétaire général de l’ONU à enjoindre au “polisario” de respecter
aussi bien l’accord militaire que les résolutions 2414 et 2440. La
résolution 2414 exprimait clairement la préoccupation du Conseil de
sécurité quant à la présence du “polisario” dans la zone tampon de
Guerguerat et lui a demandé d’en retirer ses éléments. La résolution a
aussi appelé le polisario à s’abstenir de transférer ses soi-disant
installations administratives dans la zone de Bir Lahlou. La résolution
2440 a appelé les parties de s’abstenir de toute action pouvant mettre
la stabilité de la région en danger, et a demandé explicitement au
“polisario” d’adhérer pleinement aux engagements qu’il avait faits à
l’Envoyé personnel du Secrétaire général concernant Bir Lahlou, Tifariti
et Guerguerat.
– A votre avis, quelles sont les mesures ou le cours d’action
que les Nations-Unies et le Conseil de sécurité doivent entreprendre
face aux provocations du “polisario” ?
Pour sauvegarder le processus politique et préserver la paix dans la
région, le Secrétariat de l’ONU et le Conseil de sécurité devraient agir
avec fermeté face aux provocations du “polisario” et mettre la pression
sur l’Algérie qui a, bien évidemment, donné son feu vert au “polisario”
pour persister dans ses provocations contre le Maroc et continuer ses
violations de l’accord du cessez-le-feu et de l’accord militaire.
Ce n’est pas la première fois que le “polisario” choisi ainsi la voie
de la provocation et de l’escalade. Il l’avait déjà fait à maintes
reprises.
-Dans sa dernière résolution sur le Sahara, le Conseil de
sécurité a de nouveau mis l’accent sur la nécessité pour toutes les
parties concernées, y compris l’Algérie, de participer pleinement et de
manière sérieuse au processus politique ? Quel sens donner à cette
nouvelle interpellation destinée à Alger ?
Cette escalade, qui intervient alors que le monde entier mène le combat contre la pandémie du COVID-19, trahit bien la frustration et la colère du “polisario” et de l’Algérie face aux succès diplomatiques successifs du Maroc au cours des dernières années. Pour comprendre les causes de cette grande irritation, il faudrait la placer dans son contexte politique et diplomatique international et régional.
Sur le plan international, le Maroc a réussi tout d’abord à ancrer l’approche de la voie politique et des négociations comme seule voie viable susceptible de permettre aux parties de parvenir à une solution politique mutuellement acceptable. Bien que l’option du référendum ait été abandonnée depuis l’adoption de la résolution 1754 en 2007, les résolutions adoptées depuis avril 2018 sont venues confirmer davantage les paramètres du processus politique tels que défendus depuis 13 ans par le Maroc.
Depuis l’adoption de la résolution 2440, le Conseil de sécurité a mis l’accent encore plus que jamais sur le besoin de parvenir à une solution réaliste, juste, mutuellement acceptable et basée sur le principe du compromis. Cette approche a été confirmée dans le paragraphe 77 du rapport annuel du Secrétaire général de septembre dernier. Dans ce passage, M. Guterres a insisté sur le besoin que les parties fassent preuve de leur volonté de parvenir à une solution politique basée sur le compromis conformément aux résolutions 2440 (2018), 2468 (2019) et 2492 (2019). Bien plus, dans le paragraphe 78, il a déploré que le manque de bonne foi empêche les parties de parvenir à une solution politique « à travers la négociation». L’option du référendum n’est plus donc à l’ordre du jour et l’ONU n’envisage pas une autre approche que la négociation pour mettre fin au conflit.
Ce revers diplomatique infligé aux séparatistes et à leur mentor, qui a été confirmé dans la résolution 2548 d’octobre 2020, vient s’ajouter à un autre développement majeur qui a eu lieu depuis l’adoption de la résolution 2440. Il s’agit de l’inclusion progressive de l’Algérie dans les résolutions du Conseil de sécurité. Ce développement en soit n’est que le résultat de quatre décennies durant lesquelles le Maroc a insisté que l’Algérie est partie prenante au conflit et qu’il n’y aurait pas de solution sans sa pleine implication dans le processus politique.
Le fait que le Conseil de sécurité ait inclus l’Algérie dans ses résolutions est un signe clair qu’il ne la perçoit plus comme un pays voisin ou observateur, mais bel et bien comme une partie qui a joué un rôle prépondérant dans la genèse et la prolongation du conflit. C’est un secret de polichinelle car c’est bien l’Algérie qui abrite le “polisario” et le soutient sur le plan diplomatique, financier et militaire. Sans l’aide généreuse de l’Algérie, ce “polisario” n’aurait plus d’existence. Par conséquent, en incluant l’Algérie dans ses résolutions et en consacrant le processus des tables rondes de Genève avec la participation de pays sur un même pied d’égalité que le Maroc, le Conseil de sécurité reconnaît la responsabilité entière de l’Algérie dans le conflit.
La frustration et la colère de l’Algérie et du “polisario” s’expliquent aussi par la réussite de la politique africaine du Maroc. Depuis son retour à l’Union Africaine en 2017, le Maroc n’a eu de cesse de leur asséner des revers diplomatiques. Non seulement le Maroc a réussi à obtenir la neutralité positive ou le soutien de certains pays qui entretenaient encore des relations diplomatiques avec la pseudo-rasd, mais il a réussi aussi à convaincre plusieurs d’entre eux d’ouvrir des consulats au Sahara et, ainsi, consacrer davantage la souveraineté du Royaume sur ses Provinces du sud. La décision de 15 pays africains en un temps record- en plus des Emirats Arabes Unis- d’ouvrir des consulats à Laâyoune et Dakhla est la goutte qui a fait déborder le vase pour le “polisario” et l’Algérie. Les adversaires du Maroc voient avec consternation et désespoir comment le Royaume est en train de consolider sa souveraineté sur son Sahara.
L’intervention de l’armée marocaine à El Guerguerat va mettre fin aux provocations du polisario et le privera de la carte qu’il a utilisée ces quatre dernières années pour tester la patience du Maroc. Et le Royaume n’avait d’autre choix que d’agir pour mettre fin aux agissements du “polisario” et de la menace qu’il fait peser sur la stabilité et la quiétude de la région.