Souveraineté du Maroc sur son Sahara : La consécration du pragmatisme et du réalisme

Depuis de nombreuses années, une idée reçue consistant à lier l’absence de résolution définitive de la Question du Sahara marocain avec une certaine volonté de la part de pays influents dans la Région de maintenir le statu quo, afin de continuer à peser à la fois sur le Maroc et sur l’Algérie, était jusque-là largement partagée au sein de la société. Préservation de l’influence, ventes d’armes, maintien d’une certaine forme de dépendance vis-à-vis de ces puissances et surtout absence d’intérêt concret pour la création au Sud de la Méditerranée d’un Grand Maghreb prospère, intégré politiquement et économiquement, sont les déterminants qui ont donné une consistance indéniable à cette perception. En gros, puisque le conflit du Sahara, qui cristallise les tensions entre le Maroc et l’Algérie, est le nœud gordien entretenant le non-Maghreb, il n’y aurait pour certains pays – si on se fie à cette idée reçue, qui contient indéniablement une part de vérité – aucun avantage stratégique à y mettre définitivement fin. Ceux-ci se sont dans les faits, il faut le dire, longtemps cantonnés à souffler le chaud et le froid, tantôt faisant des déclarations bienveillantes à l’un, tantôt ménageant la susceptibilité de l’autre.

Par le passé, certains dirigeants européens avaient compris qu’il n’était pas possible de contribuer à résoudre ce conflit artificiel, et de déclarer que celui-ci n’avait que « trop duré », tout en continuant éternellement à disperser, sans définitivement trancher la question, les « oui, mais » ou les « non, mais » auxquels nous nous sommes habitués. Je pense notamment à Jacques Chirac, dans une moindre mesure, mais tout autant significative, à Nicolas Sarkozy et à José Luis Rodriguez Zapatero, qui ont tenu des propos sans équivoque à propos de la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Malheureusement, leurs successeurs ont évité, sans doute pour les raisons précitées, de leur emboîter le pas et de les confirmer par un acte politique ou diplomatique.

Aujourd’hui, le « breakthrough » américain bouleverse complétement la donne, disrupte les conservatismes, encourage ceux qui hésitaient encore et illustre parfaitement les possibilités réelles qui s’offrent aux dirigeants de pays partenaires, notamment en Europe. La reconnaissance de la marocanité du Sahara par le Président Trump a été confirmée par un décret présidentiel ayant force de loi, par la décision de l’ouverture d’un Consulat américain à Dakhla, puis par la présentation, dès le lendemain, de la carte officielle américaine du Maroc mise à jour. C’est ce qui s’appelle joindre les actes à la parole.

Depuis de nombreuses années, au gré des différentes alternances politiques, certains pays se sont déployés à façonner une position, sincère dans la plupart des cas, de neutralité positive à la faveur du Royaume, qui a, un temps, indéniablement été très utile pour le Maroc mais qui, aujourd’hui, au vu de la dynamique politique et diplomatique actuelle, n’a plus aucun sens, alors que la première puissance mondiale a définitivement statué sur la question. Plus fort que jamais sur le plan diplomatique, grâce au Leadership, à l’intransigeance et à l’approche volontariste de SM le Roi Mohammed VI, le Royaume ne se satisfait plus de demi-mesures. En 2020, se limiter à rappeler une position de principe affirmant la prééminence de la proposition marocaine d’autonomie revient seulement à se conformer à l’esprit de l’ensemble des Résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies depuis avril 2007.

Or, si le pragmatisme voulait en 2007, parce qu’il s’agissait d’une nouveauté, que cette prééminence soit saluée et encouragée, en 2020, le réalisme impose désormais que la proposition d’autonomie des Provinces du Sud dans le cadre de la souveraineté marocaine soit reconnue comme « LA SEULE » solution possible, crédible, concrète et réalisable. Faire preuve de ce réalisme, pour ceux qui revendiquent leur amitié avec le Royaume, mais également leur attachement au Maghreb dans son ensemble, et qui dénoncent, à juste titre, la persistance d’un conflit hors du temps, revient à ne plus se contenter de simples positions de principe, figées depuis 2007. Ce même réalisme exige de reconnaitre que ménager l’Algérie, ne sert pas l’Algérie elle-même, qui, au même titre que le Maroc ou que les autres pays maghrébins, a, en réalité, tout à gagner de la renaissance de la construction maghrébine. D’ailleurs, en quoi la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur son Sahara reviendrait à porter réellement préjudice à l’Algérie en tant que Nation ? Pour certains, une hiérarchisation des normes s’impose. Il est, en effet, déraisonnable de continuer, encore longtemps, de mettre au même niveau un combat légitime pour le parachèvement de l’intégrité territoriale d’une Nation et la volonté, coûte que coûte, du pays voisin d’obtenir seul un leadership régional, qui en réalité le fuit depuis toujours. Pour le Maroc, le Sahara est une Cause existentielle. Pour l’Algérie, il n’est qu’un prétexte et qu’un moyen.

Le réalisme, enfin, c’est savoir privilégier la coopération et la co-construction au détriment de ceux qui prônent, pour seule doctrine diplomatique, la menace et la division. A l’image de ses rapports exemplaires avec les Etats-Unis, qui ont affirmé que la reconnaissance de la marocanité du Sahara était l’aboutissement d’un processus débuté sous l’Administration Clinton – qui avait déjà, en son temps, encouragé l’autonomie – puis renforcé, en 2004, par l’octroi au Maroc du statut d’ «  allié majeur hors OTAN », qui a conduit à la signature du FTA Maroc-USA (le seul accord de libre-échange avec un pays africain), le Royaume est le pays du Maghreb ayant les relations les plus denses avec l’Europe. Fort de son double Statut avancé avec l’Union Européenne et, suite au Brexit, avec le Royaume-Uni, le Maroc est qualifié par Bruxelles, Paris, Madrid et Londres de « partenaire privilégié » ou de « partenaire d’exception ». Il s’agit, là encore, du seul pays au Maghreb à bénéficier d’une telle nomenclature. S’agissant des Provinces du Sud, il est nécessaire de rappeler, qu’elles sont, au même titre que l’ensemble des Régions du Royaume, pleinement intégrées dans les Accords de pêches et agricoles Maroc-UE et Maroc-Royaume-Uni. 

Aujourd’hui, pragmatisme et réalisme doivent donc aller de pair. Persister à souligner la prééminence de la proposition marocaine d’autonomie sans pour autant reconnaitre formellement la souveraineté du Royaume sur son Sahara revient à séparer le contenu du contenant. L’un ne va pas sans l’autre. Les pays amis mettant en avant cette prééminence sont invités, pour plus de clarté, à aller, à l’image des Etats-Unis, jusqu’au bout de leur logique. Aujourd’hui, dans le contexte de l’importante évolution de la Question du Sahara, la neutralité positive dans un conflit créé de toutes pièces, relevant de la seule obstination d’un pouvoir algérien à le prolonger et dont l’issue ne fait désormais plus de doute, n’a que pour seul effet de favoriser un statu quo théorique, tellement éloigné des réalités politiques et diplomatiques actuelles. Les ?tats-Unis l’ont bien compris et ont clairement prouvé, dans les faits comme dans les actes, ce que le terme d’ « allié » et de « pays ami » voulait véritablement dire.

De la même manière, les Etats-Unis, membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU et « Pen-holder » des Résolutions sur la Sahara, ont implacablement démontré qu’il n’y avait aucune forme de contradiction possible entre reconnaitre la marocanité du Sahara et rester fidèle au processus politique onusien devant déboucher sur une solution de compromis, à savoir l’autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine. En d’autres termes, l’affirmation souveraine par un pays de la reconnaissance de la souveraineté d’un autre ne peut, en aucun cas, être considérée comme une négation du multilatéralisme. L’heure n’est donc plus de se cacher derrière l’ONU et d’encourager un statu quo, en faisant fi des intérêts réels de la population du Sahara et plus largement de ceux de l’ensemble du Maghreb.

Le Maroc est fondamentalement attaché au processus politique. Il l’a récemment confirmé, malgré les hésitations de l’ONU à rétablir la situation, à l’occasion de l’intervention légitime des Forces Armées Royales à Guerguerat, visant à mettre fin à l’obstruction illégale de la circulation des biens et des personnes par les milices du polisario. Le Royaume n’a eu, d’ailleurs, de cesse de le répéter ces dernières années, tout en démontrant sa bonne foi, dans le strict respect de paramètres clairs et précis, basés sur une réalité historique et politique, définis par SM le Roi Mohammed VI, à chaque Round ou table-ronde de négociation, à Manhasset comme à Genève.

Lorsque le Royaume a retiré sa confiance à l’ancien Envoyé Personnel du Secrétaire Général de l’ONU, Christopher Ross, il a eu raison de le faire. Il s’agissait alors clairement d’une récusation de la personne et non pas d’un rejet du processus que celle-ci est censée incarner avec objectivité et sans parti pris. Les suspicions marocaines à l’encontre de l’ancien diplomate onusien sont, d’ailleurs, aujourd’hui pleinement vérifiées, après qu’il ait lui-même récemment exposé au grand jour le fond de sa pensée. Dans une réaction pour le moins étonnante de la part d’un ancien responsable soumis, en principe, au devoir de réserve habituellement en vigueur, il a tenté d’improviser, à la suite de la décision américaine, un argumentaire contestable, bancal et douteux à propos d’une supposée viabilité d’un état indépendant au Sahara, pourtant fortement démentie, à de multiples occasions, par de très nombreux diplomates, analystes et experts, basés à Washington comme ailleurs. Allant même plus loin, Christopher Ross s’est permis de condamner la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur son Sahara, qu’il a qualifié « d’insensée » et d’ « irréfléchie », au prétexte qu’elle aurait « un coût important » sur les relations entre les Etats-Unis et l’Algérie et qu’elle « sapera » les « liens importants », entre les deux pays, « dans les domaines de l’énergie, du commerce, de la sécurité et de la coopération militaire ».

Typiquement, ce sont les déclarations de ce genre – démontrant que pour certains, y compris parmi ceux qui ont eu la charge du processus politique onusien, ménager l’Algérie et préserver ses intérêts prévaut sur toute autre chose – qui mettent en exergue l’importance et la vertu de la décision américaine. En effet, les Etats-Unis œuvreront désormais pour préserver le processus politique de toute tentative de détournement au profit de l’acteur central de ce conflit, qui a le culot, en plus de n’avoir rien à proposer de concret, sinon des lubies illusoires, totalement dépassées et rejetées par les différentes Résolutions onusiennes depuis plus de 15 ans, de continuer à entretenir l’illusion, à laquelle pourtant personne ne croit, qu’il n’est pas la partie principale de ce différend régional. Déjà très largement isolés au sein du Conseil de Sécurité, l’Algérie et le polisario, tout autant que leur supplétif sudafricain, ont dû constater avec amertume que la note verbale américaine, informant le Président du Conseil de la nouvelle position de la première puissance mondiale, à laquelle le contenu du décret présidentiel a été annexée, est désormais enregistrée, suite à la demande des Etats-Unis, en tant que document officiel de l’organe exécutif des Nations Unies.  

La liste de pays frères et amis, qui se reconnaissent dans la définition de ce qu’est l’amitié avec le Maroc, s’élargit de jour en jour. Cette liste est par essence évolutive et continuera à l’être. Les Marocains témoignent, au fur et à mesure des ouvertures de Consulats et des reconnaissances dans les faits de la souveraineté du Royaume sur son Sahara, de leur profonde gratitude à l’endroit de chaque pays qui s’insère dans cette dynamique, assumant pleinement ainsi ses liens fraternels ou d’amitiés avec le Maroc. En 2020, affirmer l’importance de ses relations avec le Royaume c’est avoir le devoir et l’audace, pour chaque pays qui se réclame de cette amitié, de reconnaitre la pleine et entière souveraineté du Maroc sur son Sahara. L’exemple américain est une nouvelle illustration de l’adage « quand on veut, on peut ». La mise en œuvre de cette expression est rendue, aujourd’hui, d’autant plus simple s’agissant du Sahara marocain, puisqu’un contexte diplomatique, une réalité politique et des intérêts stratégiques se sont définitivement rejoints pour créer une dynamique irréversible.

Par Brahim Fassi Fihri, Président Fondateur de l’Institut Amadeus.

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