Le procès des 24 accusés, poursuivis dans le cadre des événements ayant suivi le démantèlement du campement de Gdeim Izik par les forces de l’ordre, le 8 novembre 2010, a repris le 8 février 2013. « Atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat, constitution de bandes criminelles, violences sur les forces de l’ordre ayant entraîné la mort avec préméditation et mutilation de cadavres », tels sont les chefs d’accusation que le tribunal militaire de Rabat, compétent pour connaître de cette affaire, a retenu à l’encontre des 24 accusés. Parallèlement, la machine propagandiste du Polisario n’a pas hésité à qualifier le procès de ces accusés de « procès politique » dans une tentative vaine de détourner l’attention de la Communauté internationale sur les atrocités et les crimes commis par ces inculpés contre des éléments des forces de l’ordre. Non seulement la notion de procès politique n’a pas de fondement juridique ou jurisprudentiel, national ou international, mais il s’agit d’une notion méconnue des juridictions pénales internationales, notamment la Cour pénale internationale qui, dans des affaires qui semblent être éminemment politiques, se conforme à la législation pénale internationale. Ainsi, la présente contribution tend à analyser les fondements juridiques de la compétence du tribunal militaire de Rabat pour connaître de l’affaire des événements de Gdeim Izik.
En effet, lors de la seconde audition, qui s’est déroulée le vendredi 8 février 2013, les avocats de la défense ont présenté des exceptions préliminaires d’incompétence du tribunal militaire de Rabat pour connaître de cette affaire. De surcroît, la défense a exigé la nullité des procès-verbaux, arguant que ceux-ci ne comportent pas les signatures des prévenus. De même qu’il n’existe, toujours selon les avocats des accusés, aucun flagrant délit permettant de les confondre. Avant de nous attarder sur la compétence de la juridiction militaire permanente s’agissant de ce procès, rappelons que des vidéos et des photos compromettantes pour les accusés apparaissent dans les preuves à charge, et qu’il n’y a, le cas échéant, pas de nécessité de flagrant délit.
La compétence du tribunal militaire trouve son fondement dans le troisième article du dahir n°1-56-270 du 10 novembre 1956 formant code de justice militaire. Cet article dispose que « Sont justiciables en temps de paix des juridictions militaires, pour tous crimes ou délits ainsi que pour les contraventions connexes à des crimes ou délits déférés à ces juridictions : (…) 1. toutes personnes, quelle que soit leur qualité, auteurs d’un fait, qualifié crime, commis au préjudice de membres des forces armées royales et assimilées ». Les 24 accusés sont poursuivis pour des actes criminels commis à l’encontre de 11 éléments parmi les forces de l’ordre. C’est donc la profession de la victime qui est prise en considération dans la présente affaire pour établir la compétence du tribunal. De surcroît, parmi les faits retenus à l’encontre des accusés, figure l’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat. Ainsi, conformément au quatrième article du dahir précité, seul le tribunal militaire est compétent pour connaître de ce crime. Selon les dispositions de cet article « Sont justiciables du tribunal militaire toutes les personnes, quelle que soit leur qualité, qui ont commis une infraction qualifiée atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat ». Dans le même ordre d’idées, l’article 704 du code de la procédure pénale précise que les juridictions nationales « (…) sont compétentes pour connaître de toute infraction commise sur le territoire marocain quelle que soit la nationalité de son auteur ». Ainsi le critère permettant d’établir la compétence des juridictions nationales est, selon cette disposition, non pas celui de la nationalité de l’auteur du crime mais celui de la territorialité du fait illicite. Autrement dit, il suffit que l’acte incriminé soit commis à l’intérieur du territoire marocain pour que les juridictions nationales établissent leur compétence, abstraction faite de la nationalité de l’auteur du crime. Inversement, les articles 707 et 708 du code de la procédure pénale prévoient la situation où la compétence des juridictions marocaines peut s’établir sur la base du critère de la nationalité de l’auteur du fait illicite. Ainsi, le premier alinéa de l’article 707 stipule que le crime « (…) commis hors du Royaume du Maroc par un marocain peut être poursuivi et jugé au Maroc ».
Il en découle que, en vertu de ces dispositions, il ne fait nullement doute que le tribunal militaire de Rabat est compétent pour connaître des événements de Gdeim Izik car ceux-ci ne relèvent point des cas qui ne sont pas du ressort des juridictions nationales. Ainsi l’exception d’incompétence soulevée par les avocats de la défense est dépourvue de pertinence et de fondements juridiques. Il n’est donc pas envisageable ni même possible que le tribunal de Laâyoune statue sur cette affaire, comme l’ont réclamé les avocats de la défense lors de la seconde audition du procès. Enfin, les éventuels vices de forme précités, relatifs à l’absence de flagrant délit et à l’absence des signatures des accusés sur les procès-verbaux, ne remettent nullement en cause le déroulement ni le bien-fondé du procès, dans la mesure où le tribunal militaire de Rabat peut, à tout moment, demander l’ouverture d’une nouvelle enquête et ne pas tenir compte des procès-verbaux susmentionnés.
* Ahmed Hanine Analyste au Centre d’Etudes Internationales