Les événements qui se sont produits lors du démantèlement du camp de Gdeim Izik dans la matinée du 8 novembre 2010 et le déchaînement de violence qui les a accompagnés dans la ville de Laâyoune, ont véritablement stupéfié les observateurs par leur ampleur que rien ne laissait prévoir.
Sans doute, le climat social n’était pas satisfaisant du fait d’un certain nombre de problèmes socioéconomiques qui se posaient à la population et qui n’avaient pas été résolus malgré l’ampleur souvent soulignée des efforts d’investissement consentis par l’Etat pour construire les bases du développement économique des provinces du sud.
En revanche, les retombées positives de ces investissements ne se sont pas traduites par une amélioration significative de la situation des populations dans le domaine social notamment en ce qui concerne l’emploi ou le logement.
Les chômeurs en général et les diplômés chômeurs en particulier, en plus des personnes sans ressources constituaient un contingent important de mécontents qui avaient déjà manifesté dans les mois ou les semaines précédant ces événements.
Ces manifestations avaient été limitées parce que les autorités avaient accepté de donner satisfaction aux principales revendications qui s’étaient exprimées.
Mais cela était sans doute insuffisant et l’on peut dès lors comprendre l’enchaînement qui a conduit les mécontents à renouveler, avec plus d’ampleur, cette technique de protestation propre au gens du sud en l’occurrence, l’établissement d’un « campement de la colère ».
Les tentatives de discussion effectuées par les représentants de la société civile, Chioukhs et notables, ont été repoussées par les intéressés qui les ont accusés de ne pas servir les intérêts de la population.
Devant l’enlisement de la situation et l’ampleur prise par ce campement qui grandissait de jour en jour, les autorités publiques ont envoyé une délégation de l’administration territoriale pour engager un dialogue destiné à établir de bonne foi, mais aussi de façon réaliste, l’inventaire des revendications et la possibilité d’en satisfaire au moins une partie.
Un comité de 9 personnes désigné par les responsables du campement constituait l’interlocuteur des autorités de l’administration territoriale. Plusieurs réunions eurent lieu et ont été caractérisées par un comportement d’atermoiement et de tergiversation du comité du dialogue.
Lequel comportement s’est traduit par des demandes de délais de réflexion, par l’augmentation des revendications et par la formulation d’exigences totalement irréalistes, enfin et surtout par le refus de signer le procès-verbal des réunions.
Ce qui signifiait en fait le refus de s’engager vis-à-vis des autorités et de mettre un terme à l’existence du campement.
C’est qu’entre-temps, la protestation avait changé de nature. De revendication sociale, la protestation avait pris un tournant politique correspondant à la prise en main des responsabilités du campement par les éléments proches du Polisario qui voyaient là un bon moyen d’attirer l’attention nationale et internationale sur la situation au Sahara marocain.
En effet, le moment était propice compte tenu de la visite de l’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies au Maghreb et de la reprise des pourparlers de Manhasset.
L’affaire pouvait servir de caisse de résonance aux revendications du Polisario. Les éléments séparatistes infiltrés dans les provinces du sud ont réussi à encourager l’établissement du campement et une fois le mouvement lancé, il leur était aisé de le noyauter et de faire en sorte qu’il devienne un abcès de fixation d’une contestation dont ils comptaient bien profiter.
C’est ainsi que s’explique le fait qu’aucun résultat positif n’ait pu sortir du dialogue tant avec les autorités locales qu’avec les autorités nationales. Car ceux qui contrôlaient désormais le campement avaient tout intérêt à laisser pourrir la situation et le comité du dialogue n’était en réalité qu’un leurre.
C’est la conclusion à laquelle sont arrivés les responsables du Ministère de l’Intérieur qui devant cette situation de blocage ont décidé d’évacuer le campement.
L’opération engagée le 8 novembre 2010 au matin a été effectuée par des forces de l’ordre qui ne disposaient pas d’armes à feu. Ce qui explique qu’il n’y ait eu que deux morts à déplorer du côté des civils tandis que ce furent 11 membres des forces de l’ordre qui perdirent la vie au cours de l’opération.
La manœuvre politique qui s’est greffée sur une protestation légitime contre la précarité socio-économique a malheureusement fait ombrage à celle-ci. Dans ce sillage, la manœuvre politique est incontestable si l’on en juge par l’espèce de frénésie qui s’est emparée de l’Algérie et du Polisario dénonçant les exactions marocaines à l’encontre des populations du Sahara.
Et il en fut de même d’un certain nombre de médias étrangers en Espagne et en France et peut être ailleurs sans oublier le Parlement européen où l’on trouve toujours une majorité de membres prompts à se joindre à ce genre de protestation en parfaite méconnaissance de cause.
Par Michel ROUSSET Professeur honoraire à la faculté de droit de Grenoble