Rabat, 26 sept. 2013 (MAP) – Le « Carnegie Endowment for International Peace », un think-tank de renommée internationale spécialisé dans les questions de politique étrangère, a décortiqué dans une récente analyse l’approche adoptée par le Maroc pour le règlement de la question du Sahara, expliquant que cette approche à double voie cible d’une manière ambitieuse à la fois le développement économique et le règlement politique du conflit.
Dans cette analyse élaborée par Jacques Roussellier, professeur à l’université militaire américaine, le centre de réflexion souligne, d’emblée, que le Maroc — partant de sa conviction que le développement humain, social et économique finira par dissiper le conflit autour du Sahara — s’est lancé depuis près de trente ans dans un ambitieux plan visant à hisser le Sahara à un niveau de développement comparable à celui des autres provinces du pays.
Dans ce sens, « des mesures impressionnantes » ont été mises en place dans le but de promouvoir les investissements et réaliser les objectifs de développement au Sahara, indique le chercheur, qui n’a pas manqué de relever les résultats positifs réalisés dans cette région en termes de développement.
Le chercheur, qui travaille actuellement sur un livre devant sortir prochainement sur « Le Sahara occidental: mythes, nationalisme et géopolitique », explique, dans ce contexte, qu’au Sahara, une région qui abrite 2,7 pc de la population globale du Maroc et qui contribue à hauteur de 4 pc au Produit Intérieur Brut (PIB) marocain, le taux de pauvreté a fortement baissé de 17,9 pc entre 1994 et 1999 contre une moyenne nationale de 1,9 pc. En dépit de cet effort de développement, la région continue de souffrir d’un taux relativement élevé de chômage largement dû à une urbanisation rapide par rapport aux autres provinces du Maroc, indique l’auteur, soulignant que la région du Sahara draine de plus en plus de demandeurs d’emploi attirés par les opportunités offertes notamment dans le secteur tertiaire.
Sur un plan global, la région devance toutes les autres provinces du Maroc sur l’indice du développement humain et son niveau de développement demeure supérieur à la moyenne dans tout le monde arabe, observe le chercheur.
Revenant sur l’approche marocaine à double voie, le chercheur note que le premier volet de ce plan implique une politique nationale prudente et équilibrée visant la promotion économique et le développement humain, au moment où le deuxième volet politique est axé sur la proposition d’autonomie.
Il fait observer, dans ce sens, que cette proposition « n’a pas encore atteint le stade de la négociation » en raison du refus de l’Algérie et du polisario soutenu par Alger.
« Rabat s’est engagé pour des raisons économiques et politiques dans une évaluation complète de sa politique de développement dans la région du sud, en examinant le lien crucial entre développement, stabilité et règlement durable du conflit », souligne par ailleurs l’auteur, qui fait la lumière sur les défis que le Maroc doit relever pour réussir le pari du développement au Sahara.
Il cite, dans ce cadre, l’urbanisation rapide d’une société autrefois nomade et le chômage parmi les diplômés.
Le chômage des diplômés « demeure une entrave majeure à la croissance et à la cohésion sociale », poursuit-il, soulignant que la résorption de ce phénomène passe inéluctablement par une croissance soutenue et une flexibilité du marché de l’emploi.
Et le chercheur de souligner la pertinence du choix du Maroc axé sur une bonne approche développementale « avec des attentes réalistes de dividendes politiques à court ou à long termes ».
« Pour ce faire, Rabat a besoin d’une feuille de route politique et d’un soutien international pour le statut futur du territoire », indique le chercheur, qui revient, dans ce contexte, sur la régionalisation, stipulée dans la Constitution du Royaume, soulignant que le cadre de cette politique de décentralisation et de régionalisation doit trouver une articulation à la fois conceptuelle et programmatique avec le plan d’autonomie que le Maroc avait présenté au Conseil de sécurité de l’Onu.
Le projet constitutionnel marocain pour la décentralisation et la régionalisation doit pleinement intégrer notamment l’autonomie fondée sur les caractéristiques ethniques ou linguistiques, et les dimensions internationale, régionale et politique propres au Sahara, ajoute l’auteur, notant que cette région doit trouver sa place au sein de cette architecture développementale, politique et internationale que le Maroc a conçue.
Tout en mettant en valeur les facteurs historiques, sociaux et nationaux qui illustrent l’appartenance du Sahara au Maroc, l’auteur relève que les spécificités des provinces du sud devront être prises en compte le plus tôt possible.
Il note, dans cette veine, que la complexité d’aborder les dimensions politique et de développement en même temps est accentuée par des facteurs d’ordre régional et international, dont les négociations menées, sous l’égide de l’ONU, avec le polisario soutenu par l’Algérie et le cadre constitutionnel de la politique de décentralisation du Maroc.
Ces facteurs, au même titre que le plan de développement retenu par le Maroc pour le Sahara, doivent être intégrés dans le processus de règlement global, poursuit le chercheur.
Il note, d’autre part, que l’impasse que connait la question du Sahara a changé la trajectoire du conflit d’un règlement sur la base d’un référendum élusif d’autodétermination vers un accord politique fondé sur l’autonomie considéré définitif par le Maroc.
Il souligne, dans ce sens, que la question de savoir si un tel règlement politique doit être soumis à un référendum populaire, est un problème que ni le droit international ni la pratique des Etats ne peuvent aborder avec succès.
Relevant que si les revendications séparatistes ou celles se rapportant aux desseins d’hégémonie régionale (allusion faite au Polisario et ses mentors algériens) ont leur propre logique, le développement humain et économique que le Maroc s’active à garantir au Sahara porte, quant à lui, sur l’élargissement des opportunités et des choix offerts aux populations.
Le professeur Roussellier met, à ce propos, l’accent sur la nécessité de cerner les dynamiques de l’approche marocaine, notant que les synergies que cette même approche peut créer sont de nature à servir la stabilisation de la région, imprimer une nouvelle cadence aux efforts de développement économique et répondre d’une manière efficace aux revendications politiques.
« Le Maroc ne considère pas le Sahara comme un simple territoire où il a hérité d’un mandat civilisationnel ou de développement », poursuit le chercheur, soulignant qu' »en fait, le Maroc a œuvré pour trouver, au Sahara, une expression moderne de ses liens existentiels et historiques avec son identité sahraouie et ses aspirations africaines ». (MAP)